Introduction
Le présent chapitre, bien que d’une ampleur impressionnante, présente d’importantes lacunes quant à son contenu. C’est plus particulièrement le cas de la statistique militaire suisse. La recherche historique dans ce domaine ne nous ayant fourni que très peu de données utilisables, à l’exception de quelques vues d’ensemble des dépenses qui figurent au chapitre U. («Finances publiques»), nous avons décidé de ne publier aucune statistique militaire. Les programmes, recommandations de vote et mots d’ordre des partis lors d’élections sont également absents de ce chapitre, alors qu’on dispose de nombreuses informations à ce sujet. De même, le lecteur ne trouvera ici aucune donnée sur le nombre des lois adoptées par le Parlement au cours des différentes législatures. Seuls les noms des hommes ou des femmes politiques ayant un jour occupé le poste de conseiller ou de conseillère fédéral(e) sont cités. Nous avons retiré une statistique sur le personnel de la Confédération après avoir constaté des contradictions entre les différentes sources. Enfin, nous n’avons pas voulu non plus traiter de l’aspect quantitatif des relations politiques entre la Suisse et l’étranger.
Si ce chapitre est à ce point volumineux, c’est que nous n’étions pas prêts à renoncer, malgré les nombreuses difficultés que nous avons rencontrées, à notre projet de présenter une vue d’ensemble des résultats obtenus depuis 1848 dans les cantons et dans la ville de Zurich lors des votations fédérales. Nous aimerions ici rendre hommage à l’énorme soutien technique que nous a fourni Robert Reichmuth, ancien chef de l’informatique de l’Institut für Empirische Wirtschaftsforschung de l’Université de Zurich: sans le programme de transfert de données qu’il a créé dans ce seul but, jamais nous ne serions parvenus à transférer des milliers de données d’un grand ordinateur sur un ordinateur personnel.
Les autres tableaux de ce chapitre contiennent autant que possible les données les plus récentes dans ce domaine, et plus particulièrement les résultats des recherches nombreuses et approfondies menées par le politologue bernois Erich Gruner et son équipe au sujet des élections depuis 1848. Ces statistiques pouvant être consultées facilement, nous n’en avons publié que quelques extraits. La vue d’ensemble proposée par Gruner sur la représentation des différents partis au Conseil national et au Conseil des Etats depuis 1848 s’arrêtant en 1975, nous l’avons étendue jusqu’en 1995 grâce aux résultats des élections publiés dans la statistique officielle. Il nous a par ailleurs paru souhaitable d’exploiter les données cantonales fournies par la statistique officielle à propos du nombre de sièges au Conseil national et au Conseil des Etats conquis par les partis politiques lors des élections qui ont eu lieu de 1919 à 1995 (1919 marque le passage d’un système de scrutin majoritaire à un système proportionnel). Nos sources nous auraient également permis de mesurer l’évolution de la composition des partis politiques dans les parlements des cantons et des villes jusqu’au début de l’entre-deux-guerres et dans quelques cas au-delà de cette date. Ce travail nous aurait cependant coûté des efforts sans commune mesure avec ceux que nous avons déployés pour reconstituer les gains et les pertes des partis lors des élections fédérales. C’est pourquoi nous n’avons conservé, au niveau local, que les données concernant les élections aux parlements de la ville, de la commune et du canton de Zurich, ainsi que les parlementaires zurichois au Conseil national, pour lesquels nous disposons de sources remontant très loin dans le passé. Les résultats des élections au conseil communal de Zurich nous ont même permis de réaliser un tableau ventilé selon les arrondissements de la ville dont les résultats les plus anciens datent de la veille de la Première Guerre mondiale.
Résultats des votations fédérales dans les cantons et en ville de Zurich, pour les années 1848, 1866, 1872 et 1874–1993
Pourquoi avons-nous prêté autant d’attention aux résultats des votations fédérales? Si nous avons décidé de publier l’intégralité des résultats des votations qui ont eu lieu de la naissance de l’Etat fédéral à aujourd’hui au niveau des régions et des cantons et en ville de Zurich (qui est, depuis 1893, la ville la plus peuplée du pays), c’est d’une part en raison des caractéristiques de notre système de démocratie directe, qui prévoit des référendums et des initiatives obligatoires et facultatifs, et de la possibilité pour le gouvernement de présenter des contre-projets, et d’autre part parce que ces scrutins répétés laissent souvent apparaître des comportements propres à certains cantons, régions et villes. Pour dix villes moyennes ou grandes, les données contenues dans l’Annuaire statistique de la Suisse permettraient de reconstituer les résultats des votations qui ont eu lieu de 1930 à 1986. Il manque de telles informations pour les années 1987 et 1988; à partir de 1989, la statistique officielle fournit à nouveau les résultats des votations dans 16 villes. Il serait théoriquement possible de déterminer les résultats d’un très grand nombre de votations dans les autres communes, dont le nombre dépasse 3000. A notre connaissance, un tel travail n’a été mené à bien qu’une fois: lors des deux votations de 1959 et de 1971, qui visaient à accorder aux femmes le droit de vote pour des objets fédéraux, Marcel Wirz a, dans le mémoire de licence qu’il a écrit à la «Forschungsstelle für schweizerische Sozial- und Wirtschaftsgeschichte der Universität Zürich» («Institut de recherche d’histoire sociale et économique suisse de l’Université de Zurich»), déterminé à des fins de comparaison les pourcentages de «oui» de l’ensemble des communes. A vant d’aborder les sources sur lesquelles se fonde notre statistique des votations fédérales depuis 1848, nous aimerions définir brièvement quelques termes. Le terme de «souverain» s’est peu à peu élargi au cours des 25 dernières années: les femmes ont obtenu le droit de vote au niveau fédéral le 7 février 1971, les Suisses de l’étranger le 19 décembre 1975 et les jeunes Suisses de 18 à 19 ans le 3 mars 1991. Les «Etats» se composent de 20 cantons (avant 1979: 19) et de six demi-cantons. Les premiers disposent d’une voix entière, les seconds d’une demi-voix seulement. Parmi les seconds, on trouve Obwald, Nidwald, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures. La majorité des cantons doit être acquise aussi bien lors de votations sur les projets de loi proposés par la Confédération qui doivent être obligatoirement soumis au peuple que lors de votations sur des initiatives populaires ou sur des contre-projets du Gouvernement. Le peuple peut s’imposer contre une majorité de cantons uniquement dans le cas d’une votation suivant un référendum facultatif.
Les douze premières votations populaires, dont neuf ont eu lieu en 1866, résultaient toutes du référendum obligatoire. Le 30 janvier 1921, le peuple (venant de voter pour l’accession de la Suisse à la Société des Nations) accepta une initiative populaire qui obligeait le Conseil fédéral à lui soumettre tous les traités internationaux engageant la Suisse à long terme, voire définitivement. Un tel cas ne s’est présenté qu’à deux reprises par le passé: la première fois le 3 mars 1986, lorsqu’il s’agit de se prononcer sur l’entrée de la Suisse en tant que membre à part entière dans l’Organisation des Nations Unies, et le 6 décembre 1992, lorsque le peuple refusa l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen.
Le référendum facultatif est un acquis de la Constitution de 1874. Il peut être utilisé par des milieux privés désireux d’obliger le Conseil fédéral à soumettre au peuple une de ses décisions non sujette au référendum obligatoire. Depuis 1891, l’initiative populaire assure en outre au peuple un droit de regard limité lors des révisions de la constitution et des arrêtés fédéraux. Bien entendu, les référendums facultatifs et les initiatives populaires doivent bénéficier d’un large soutien populaire pour pouvoir être soumis au souverain. Le 25 septembre 1977, lors d’une votation fédérale, le peuple a approuvé un projet du Gouvernement qui prévoyait de relever de 30’000 à 50’000 le nombre de signatures devant être réunies pour qu’un référendum aboutisse et de 50’000 à 100’000 celui exigé pour qu’une initiative passe devant le peuple. Les autorités ont cependant d’autres moyens pour éviter de manière efficace la multiplication des recours à ces deux droits: elles peuvent opposer un contre-projet à un projet d’initiative dont elles approuvent le principe, mais qu’elles considèrent comme allant trop loin. Par le passé, ce procédé à conduit la plupart du temps au retrait des initiatives. Il arrive cependant que le souverain doive se prononcer à la fois sur une initiative et sur un contre-projet du Conseil fédéral. Depuis le 5 avril 1987 s’ajoute à la possibilité de voter une fois oui et une fois non, deux fois non, une fois oui ou non et une fois blanc, celle de déposer deux oui dans l’urne. Si les deux objets obtiennent plus de 50% de oui, c’est celui qui a été le plus plébiscité qui est retenu. Voici encore quelques remarques à propos des sources. Pour les votations populaires de 1848 qui concernent l’adoption de la constitution fédérale, nous avons pris en considération les estimations de Jürg Segesser. Les résultats des votations de 1866 à 1872 sont tirées de l’Annuaire statistique de la Suisse et, pour ce qui est de la participation, du troisième volume de l’enquête d’Erich Gruner sur les élections au Conseil national de 1848 à 1919. Nous avons puisé les résultats de 1874 à 1979 d’une série de données constituée par Peter Gilg (Forschungszentrum für Schweizerische Politik, Berne) et par Rolf Nef (Cultur Prospectiv, Zurich) dans le cadre d’un projet financé par le Fonds national. Jusqu’en 1945, les données reposent sur des statistiques officielles ventilées selon les districts, ainsi que sur d’autres recherches des deux auteurs (matériel non publié). Les différences entre les résultats publiés dans la «Feuille fédérale de la Confédération suisse» et dans l’Annuaire statistique d’une part et ceux tirés des agrégats constitués par Nef et Gilg à partir des données des districts d’autre part restent dans des marges tolérables. Il est intéressant de relever que la vérification des résultats a, dans certains cas, fait basculer un canton dans l’autre camp. Cela ne change cependant rien au résultat final, de sorte qu’il n’y a pas lieu de demander de répéter des scrutins qui ont eu lieu cinquante à cent ans en arrière.
Les résultats cantonaux que nous présentons sur les votations qui ont eu lieu entre 1874 et 1945 sont ceux réunis par Gilg et Nef. Le total général représente la somme des valeurs calculées par ces deux auteurs au niveau cantonal; il ne doit donc pas forcément correspondre au résultat des services officiels. Il est cependant intéressant de connaître le résultat officiel des votations en plus de leur issue réelle; c’est pourquoi nous indiquons dans quelles proportions elles ont été acceptées ou refusées par les cantons selon la statistique officielle.
Les rares fois où Gilg et Nef ne sont pas parvenus à reconstituer les résultats des votations dans un canton par l’addition des résultats des districts, nous avons consulté les tableaux cantonaux de l’Annuaire statistique de la Suisse. Nous avons donc complété les statistiques que Gilg et Nef ont réalisées pour les votations du 19 avril 1874 (Tessin), du 23 avril 1876 (Tessin et Neuchâtel), du 9 juin 1876 (Neuchâtel), du 31 octobre 1880 (Grisons), du 26 octobre 1890 (Grisons), du 4 mars 1894 (Grisons), du 13 mais 1917 (Soleure), du 1er décembre 1940 (Zurich, Lucerne, Soleure, Vaud et Valais), du 9 mars 1941 (Zurich, Soleure, Vaud et Valais), du 25 janvier 1942 (Zurich, Soleure, Vaud et Valais), du 3 mai 1942 (Vaud et Valais), du 29 octobre 1944 (Vaud et Valais) et du 21 janvier 1945 (Vaud et Valais).
A partir de 1946, les données de Gilg et de Nef sont identiques à celles de la statistique officielle. Nous avons tiré les résultats des votations des années 1980 à 1986 de l’Annuaire statistique de la Suisse, ceux de 1987 et 1988 de la Feuille fédérale de la Confédération suisse et ceux des années 1989 à 1993 de la publication intitulée «Cantons et villes suisses».
Nous avons recueilli dans trois autres sources des informations sur le vote des citadins zurichois: un article d’Alfred Senti publié en 1941 dans les «Zürcher Statistische Nachrichten», qui rend compte des résultats des votations populaires fédérales depuis 1848 dans la ville et dans le canton de Zurich, l’édition 1949 de l’annuaire statistique du canton de Zurich et, enfin, quelques volumes de l’annuaire statistique de la ville de Zurich. Ces trois sources nous ont permis de documenter les résultats des votations fédérales en ville de Zurich depuis la création de l’Etat fédéral. La personne qui envisagerait de procéder à une analyse sur le long terme de ces données devrait garder à l’esprit que l’électorat de la ville de Zurich a gonflé brusquement en 1893 et en 1934, lors de la fusion de certaines communes avec la ville même, et qu’il est assez sûr que le comportement des nouveaux citoyens zurichois différait alors de celui des citadins de longue date.
La présente publication contient les résultats de plus de 400 scrutins populaires fédéraux, dont le premier, qui date de la fin de l’été 1848, concerne la question fondamentale de la transformation d’une fédération d’Etats en un Etat fédéral moderne, et le dernier, l’initiative du 27 septembre 1993 en faveur d’un 1er août férié, lors duquel le peuple suisse s’est pour la première fois depuis plus de 700 ans d’indépendance accordé le luxe d’une fête nationale fériée. Quatre autres objets présentés par le gouvernement et approuvés en 1993 à de larges majorités par le peuple et à la presque unanimité des cantons ne figurent déjà plus dans nos tableaux. Il s’agit de l’arrêté fédéral contre l’usage abusif des armes, de mesures temporaires destinées à freiner l’augmentation des coûts de l’assurance-maladie, de mesures concernant le chômage et de l’introduction d’une taxe de 6,2% sur la valeur ajoutée.
Le dernier tableau présente une sorte de résumé des habitudes des hommes suisses depuis 1848 et des hommes et des femmes suisses depuis 1971 en matière de votations. Il s’agit de calculs qui se fondent sur les séries des cantons et de la ville de Zurich présentées aux pages précédentes. Nous exprimons des moyennes correspondant à des périodes de longueurs différentes afin d’une part de compenser le caractère politiquement explosif des premiers scrutins et d’autre part de tenir compte de la forte augmentation des objets présentés au peuple à partir de la fin des années 60.
SOURCE: «Statitique politique» in Ritzmann/Siegenthaler, Statistique historique de la Suisse, Zürich: Chronos, 1996, 1033-1038